Le départ d’Hervé Poncharal, ou l’émotion d’une grande page qui se tourne

Extrait de cet article : post publié sur Motorsport.com

Hervé Poncharal aura vécu un week-end très à part, à Barcelone. Un Grand Prix qu’il a expérimenté une bonne trentaine de fois, mais qui n’était décidément pas comme les autres cette année. Ce rendez-vous sur les terres de la Dorna a été pour lui l’occasion d’annoncer qu’il va bientôt passer la main à la tête de son équipe, Tech3.

Cette prise de recul qui se pressentait depuis déjà quelques années, depuis qu’il avait commencé à confier la gestion quotidienne de l’équipe à Nicolas Goyon, va désormais devenir pleinement effective avec le rachat de l’entreprise par Günther Steiner et ses investisseurs. Dès 2026, l’ancien patron de Haas F1 deviendra le PDG de Tech3, et son associé Richard Coleman en sera le team principal.

Bien qu’elle ait été nourrie par plusieurs mois d’échanges et de négociations, Hervé Poncharal a admis avoir été très touché par cette annonce, n’hésitant pas à avertir Steiner qu’il lui confiait son “bébé”. “Je me sens un peu bizarre”, avouait le Français au micro du site officiel du MotoGP, au lendemain de l’annonce. “Je sais que je ne vais pas partir mais je ne dirigerai plus l’équipe, alors honnêtement, c’est un sentiment un peu étrange.”

“C’est quelque chose à quoi je suis tellement habitué. Savoir que je vais passer le témoin après une quarantaine d’années ici, pendant lesquelles j’ai pris pratiquement toutes les décisions pour l’entreprise, ça fait bizarre. Ça fait pas mal de jours que je savais que ça allait se passer ici, mais pour le moment, je ne suis pas revenu sur terre.”

Même si ce ne sera plus mon entreprise, je vais agir, me comporter et pousser comme si elle l’était toujours.

Peu à peu, il va falloir intégrer ce changement, dont beaucoup en MotoGP perçoivent l’importance autant qu’Hervé Poncharal lui-même. Depuis toujours, il est un de ces personnages emblématiques du paddock, haut en couleurs et le verbe haut, mais également essentiel dans les coulisses. Longtemps président de l’association des équipes, il a cédé sa place à Lucio Cecchinello en début d’année, et la vente de Tech3 vient poser la dernière pierre à ce chemin qui va maintenant le mener vers une retraite bien méritée.

“La moto, c’est l’amour de ma vie. J’ai beaucoup de chance. Nous avons pu vivre de notre passion en en faisant un business, et mener une vie merveilleuse”, témoignait-il au moment d’annoncer sa décision.

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Il ne partira pas sans se retourner, loin de là. Hervé Poncharal conservera un rôle de consultant chez Tech3 l’an prochain, et promet de rester extrêmement attentif aux premiers pas de ses successeurs. Avant cela, il s’est assuré que son entreprise ne sera pas démantelée : sa base de Bormes-les-Mimosas sera conservée, l’intégralité de ses employés également, ainsi que les pilotes aujourd’hui sous contrat.

“Je ne sais pas s’il a été intelligent ou suffisamment gentil, mais dès le tout début [Günther Steiner] m’a dit : ‘Nous voulons conserver le nom de Tech3, c’est clair, il fait partie de l’histoire du MotoGP. Nous voulons conserver votre base, garder 100% de votre staff, ce qui inclut évidemment les pilotes. Et nous voudrions que vous nous aidiez, au moins en 2026 pour assurer la transition’. Ça aussi, je trouve que c’est assez intelligent”, fait-il remarquer.

“Pour le moment, ils n’ont rien, donc commencer avec quelque chose qui fonctionne déjà, c’est intelligent. J’ai très hâte de vivre cette seconde moitié d’année, parce que Richard Coleman, qui sera le team principal, sera avec nous sur la plupart des Grands Prix. Nous allons discuter ensemble, partager des idées, voir comment faire. Il faudra aussi que je les écoute pour comprendre quelles sont leurs intentions.”

“Tout ce que j’ai toujours fait, je l’ai fait avec toute mon énergie, toute ma passion, et ce sera la même chose”, promet le Français. “J’ai hâte de travailler avec Günther et Richard. Même si ce ne sera plus mon entreprise, je vais agir, me comporter et pousser comme si elle l’était toujours.”

Hervé Poncharal passe la main à Günther Steiner et Richard Coleman, qui seront respectivement PDG et team principal de Tech3.

Hervé Poncharal passe la main à Günther Steiner et Richard Coleman, qui seront respectivement PDG et team principal de Tech3.

Photo de: Gold and Goose Photography / LAT Images / via Getty Images

Durant cette saison 2026, qu’ils annoncent comme “une année de transition”, les nouveaux patrons vont toutefois devoir rapidement se confronter à d’importantes décisions, avec l’échéance prochaine des contrats liant Tech3 au championnat, à KTM et à ses pilotes. Quel rôle y jouera Hervé Poncharal ? “Ils seront clairement les patrons, ils vont décider ce qu’ils veulent”, explique-t-il.

“Je serai à leur disposition si jamais ils ont besoin d’informations, de mon point de vue, de contacts pour rencontrer certaines personnes, de mon sentiment aussi, parce que j’ai travaillé avec pratiquement tous les constructeurs qui sont sur la grille actuellement. Il faudra aussi que nous pensions aux pilotes.”

“Donc tous les trois, nous allons parler, discuter, échanger des idées, mais la décision finale sera celle de Günther. Mais je suis impatient de vivre ça, j’aime échanger, partager. Je suis très excité de travailler avec eux et de voir comment nous pouvons, tous ensemble, bâtir une équipe Tech3 plus puissante.”

Tech3 devait se renforcer financièrement

C’est bien là le cœur de cette décision. À ceux qui sont surpris, voire chagrinés, que Tech3 puisse changer de mains et être reprise par un personnage aussi médiatique que Günther Steiner, Hervé Poncharal rappelle la réalité d’une entreprise comme celle-ci et les risques qu’elle a parfois encourus pour sa survie.

“Clairement, on est toujours plus fort ensemble que seul. Je dois vous dire que la première fois qu’il m’est venu à l’esprit que je n’étais peut-être pas assez puissant, c’est pendant l’hiver. Lorsque KTM a connu sa crise financière, à un moment donné, il n’était pas certain que l’entreprise puisse survivre, et je me suis dit ‘Wow ! Je suis très vulnérable, je dois penser à l’avenir de mon entreprise’.”

“Et à partir de ce moment-là, Carmelo et Carlos Ezpeleta ont été intelligents, ou assez gentils, pour me parler et me dire qu’il me fallait un investisseur, quelqu’un à mes côtés, pour affronter les moments difficiles. Au cours d’une vie et de la vie d’une entreprise, on rencontre toujours des moments difficiles.”

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Le constat est évident : il fallait des fonds pour assurer la pérennité de Tech3. “Quand on fait du sport, et surtout du sport mécanique, les moyens financiers sont importants”, a également rappelé Hervé Poncharal à Canal+ pendant le week-end de Barcelone.

“Quand vous avez les moyens, vous pouvez sélectionner les meilleures machines, vous pouvez employer les meilleurs pilotes, les meilleurs ingénieurs… Donc c’est clair que pour que la société continue, et qu’elle continue d’être performante, il faut pouvoir trouver des investisseurs, des sponsors, pour aller de l’avant, et toujours viser l’excellence, c’est-à-dire être compétitifs et éventuellement gagner des courses.”

Et le Français promet que Tech3 va bien tenter de conserver sa touche française : “On va continuer de travailler avec Carmelo Ezpeleta et Claude Michy pour réfléchir à comment être performants, en espérant que le côté bleu blanc rouge… Parce qu’évidemment, on a une équipe Moto3, et on rêve d’avoir un jeune pilote à qui on puisse donner la trajectoire qu’on a donnée à Olivier Jacque.” L’histoire de Tech3 continuera, donc, et Hervé Poncharal ne sera pas bien loin, mais une page de taille se tourne.

Avec Basile Davoine

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Lire l'article complet - Auteur de l'article : Léna Buffa
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