Extrait de cet article : post publié sur Motorsport.com
Marc Márquez qui regarde au loin puis décide subitement de courir vers son garage, de nombreux pilotes qui l’imitent, un embouteillage au bout de la voie des stands et finalement une procédure de départ abandonnée. Une certaine cacophonie a régné dans les derniers instants précédant le début de la course à Austin, sur un circuit partiellement humide.
La pluie tombée au cours des deux heures avant le départ avait poussé une majorité de pilotes à opter pour des pneus rainurés, mais les conditions se sont rapidement améliorées et la piste était en grande partie sèche avant le lancement du tour de formation. Marc Márquez restait immobile, à côté de sa moto, mais avait tout un stratagème en tête.
“Je connais vraiment le règlement, ce qu’on peut faire, comment être tout le temps à la limite”, a expliqué le pilote Ducati au site officiel du MotoGP. “Sept minutes avant le départ, j’ai demandé à [Marco] Rigamonti, mon chef mécanicien, si la deuxième moto était prête. Il m’a dit que oui. Je lui ai dit ‘Peut-être que je quitterai la grille’ parce que j’ai vu que les pneus pluie n’étaient pas le bon choix et je m’attendais à ce que quand je parte, plus de dix pilotes me suivent et qu’ils arrêteraient la course. C’est ce qu’il s’est passé.”
Face à la presse venue l’interroger, Márquez a assumé d’avoir tenté de “forcer” les autres pilotes à l’imiter pour interrompre la procédure de départ : “C’était difficile mais j’ai été malin et calme”.
Si Márquez avait intérêt à ce qu’autant de pilotes le suivent, c’est parce qu’il aurait reçu une pénalité si cela n’avait pas été le cas. La direction de course a en effet précisé dans une note que, lorsqu’un pilote passe d’une machine avec des pneus pluie à une équipée de slicks avant le départ du tour de formation, il doit “débuter le tour de formation depuis la voie des stands, prendre sa position sur la grille puis écoper d’une pénalité ride through [un passage par la voie des stands à vitesse limitée] en course.” Le MotoGP a confirmé que cette règle aurait été appliquée si la procédure n’avait pas été interrompue.
La note de la direction de course précise par ailleurs que “si plus de dix pilotes débutent la course depuis la voie des stands, le départ sera retardé et un nouveau départ (procédure rapide) aura lieu”. Mais dans le cas vu dimanche, la situation s’est produite avant le tour de formation et pas directement avant le départ de la course, et ils ont précisément été neuf pilotes à courir vers leur seconde machine avant le départ du tour de formation, tandis qu’un dixième, Maverick Viñales, n’avait plus de moto sur la grille.

La grande confusion dans la voie des stands.
Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images
Face à cette situation inédite, et avec une règlementation qui prévoit des dispositions précises avant un départ mais moins avant un tour de formation, le MotoGP a préféré opter pour la prudence. Selon Motorsport.com, après des tensions et des désaccord significatifs, et voyant que la confusion générale était susceptible de générer un danger, la direction de course a jugé préférable de repousser le départ.
“Nous avons opté pour un délai puis pour une procédure de départ rapide pour des questions de sécurité”, a expliqué Mike Webb, le directeur de course. “En raison du nombre de pilotes, de motos et de staff sur la grille et dans la zone de la voie des stands, il était impossible de débuter le tour de formation. Un nouveau départ était la solution la plus sûre pour répondre aux circonstances inédites au début du Grand Prix. Nous allons analyser la situation avec les équipes et modifier le règlement.”
Bagnaia surveillait Márquez, son frère surpris
Les pilotes on été les premiers à être plongés dans la confusion. Marc Márquez a pris par surprise plusieurs de ses rivaux mais Pecco Bagnaia, qualifié en deuxième ligne, gardait un œil sur son coéquipier, en remarquant un comportement inhabituel de sa part… et tout simplement en constatant que la piste devenait trop sèche pour les pneus pluie qui étaient montés sur leurs Ducati.
“Je ne connaissais pas sa stratégie mais je voyais qu’il n’était pas sur la moto, il n’était pas assis”, a confié le vainqueur de la course. “Je me disais qu’il [préparait] ça. Je pensais à faire la même chose parce que c’était totalement sec sur la grille. Le premier virage était également sec. Je me disais que si ça partait comme ça, je perdrais trop de temps. Dès que je l’ai vu faire, j’ai juste suivi. Normalement, ce sont les slicks dans ces conditions, et c’était le bon choix.”
Bagnaia voulait changer de moto au plus vite, sachant que le faire pendant la course lui aurait fait perdre énormément de temps. “Ça aurait été plus dur parce qu’on aurait dû faire le premier tour en pneus pluie, s’arrêter au garage, perdre 20 secondes au plus, et ceux déjà en slicks sur la grille auraient été loin devant”, a-t-il souligné en conférence de presse. “Heureusement, beaucoup de pilotes ont suivi donc ils ont dû arrêter [la procédure] et c’était mieux pour tout le monde.”
“Quand j’ai commencé à courir, que je suis arrivé à la moto, que j’ai vérifié la moto, que je suis arrivé au feu rouge au bout de la ligne droite, j’étais mort ! J’étais essoufflé. Quand j’ai vu que le départ était reporté, j’étais beaucoup plus content. C’était le bon choix.”

Pecco Bagnaia
Photo de: Ducati Corse
Comme Márquez, il espérait une interruption de la procédure pour ne pas recevoir une sanction :“Dès que j’ai commencé à courir, j’ai juste espéré que beaucoup de pilotes nous suivent parce que je me suis dit : ‘Si on est que deux, je pense qu’il y aura des pénalités’. J’ai vu sur l’écran géant que beaucoup de pilotes suivaient. Je me suis dit qu’ils n’auraient pas le temps d’enlever les motos sur la grille et qu’il n’y aurait pas de pénalité. Cette situation particulière n’est pas claire dans le règlement, donc je ne voulais pas de pénalité.”
Álex Márquez a, de son côté, reconnu qu’il était bien moins en maîtrise. Il n’a pas réellement compris ce qu’il se passait quand il a vu son frère courir, ce qui explique pourquoi il a temporisé quelques instants. “Sur le moment, je me suis dit : ‘Il a oublié quelque chose dont on a besoin sur la grille’, comme les bouchons d’oreille, mais après j’ai aussi vu Pecco et je me suis dit : ‘Qu’est-ce qu’ils font ?'”, a-t-il détaillé. “Après, je me suis rappelé que le règlement permettait de le faire. Ils ont mis ça quand Marc était en MotoGP et que j’étais en Moto2 [après le GP d’Argentine 2018, où Jack Miller était seul sur la grille, ndlr].”
“J’ai demandé si ma deuxième moto était prête, ils m’ont dit : ‘Attends, on demande à la radio’ puis ils ont dit dit : ‘Oui !’ et je me suis dit ‘OK, je dois courir !’ Je pense que ce n’était pas le meilleur départ parce qu’il a été retardé mais c’était un spectacle incroyable ! Tout le monde se disait ‘Qu’est-ce qu’ils foutent ?’ mais c’était super sympa.”
Plus loin sur la grille, la situation était encore plus confuse et Fabio Quartararo a fait partie de ceux qui ont préféré patienter sur la grille. “Pour moi, c’était un chaos total !”, a concédé le pilote Yamaha. “Je n’ai pas vraiment vu au début, j’en ai vu un, je me suis dit qu’il avait oublié la protection de torse ou quelque chose… Après, j’ai vu tout le monde courir, je me suis dit que personne n’en [avait] ! Je ne savais même pas que c’était possible de faire ça. Je ne connais pas précisément le règlement mais si le départ a été reporté, c’est qu’il y a eu quelque chose. J’étais sur ma moto et j’attendais.”
Une situation à clarifier

Álex Márquez
Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images
Si les décisions prises dimanche ont permis d’éviter tout incident, les pilotes attendent maintenant une clarification du règlement dans ce cas précis. L’interruption de la procédure de départ a permis d’effacer les pénalités pour les pilotes qui avaient changé de moto, mais a joué en défaveur de ceux qui avaient fait le pari des slicks sur la grille de départ.
“Les seuls qui étaient préparés étaient chez KTM, [Brad] Binder et Enea [Bastianini], et Trackhouse”, a précisé Bagnaia. “J’imagine leur situation. Ils peuvent être beaucoup plus en colère de ce qui s’est passé.”
Álex Márquez reconnaît également une certaine injustice dans le déroulement des événements : “Je pense que c’était vraiment le chaos pour tout le monde. Il faut une règle claire parce que ce n’est pas vraiment le cas. Je ne sais même pas ce qui était possible, j’ai juste suivi les gars, c’est tout ! Il faut que ce soit plus clair.”
“S’ils repoussent le départ juste à cause du chaos, ce n’est pas correct. Si le règlement permet de faire ça, il faut que ce soit faisable et ils doivent mieux organiser les choses pour que ce soit possible. Ce n’est pas juste si quelqu’un a pris un risque et que le départ est reporté. Si j’avais eu les slicks sur la grille, ça n’aurait pas été juste. Il faut que tout soit plus clair.”
Avec Oriol Puigdemont
VIDÉO – RÉSUMÉ : Les meilleurs moments du GP des Amériques
Dans cet article
Vincent Lalanne-Sicaud
MotoGP
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