Le chaos des pressions pendant le sprint de Brno expliqué de l’intérieur

Extrait de cet article : post publié sur Motorsport.com

La règle sur les pressions des pneus avant a semé une certaine confusion pendant le sprint de Brno, en raison d’un cocktail assez improbable : Marc Márquez a rencontré un “vrai” problème, Pecco Bagnaia en a subi un “faux” et une fois la course terminée, le championnat a annoncé des enquêtes après des suspicions fantômes.

Cela fait maintenant deux ans que les pressions sont encadrées, Michelin ayant constaté des dégâts sur des pneus lorsque les pilotes roulaient volontairement avec des pressions inférieures à ses recommandations, avec pour but de gagner en adhérence grâce à une plus grande surface de contact au sol. Depuis le début de la saison 2024, des sanctions tombent si une pression minimale n’est pas respectée pendant une certaine durée – 30% des tours en course sprint et 60% en course principale.

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Les pilotes expriment souvent la crainte inverse : une pression trop élevée qui limiterait le grip et leur ferait perdre en sensation. La pression augmentant de concert avec la température du pneu, il est donc fréquent qu’ils prennent le départ avec une pression basse, sachant qu’elle grimpera forcément par la suite, et ce d’autant plus s’ils sont dans le sillage d’un rival, ce qui fait chauffer la gomme. Mais lorsqu’un pilote se retrouve avec le champ libre, la température – et donc la pression – est à la baisse, faisant courir le risque d’une pénalité.

C’est pour cette raison que Marc Márquez a plusieurs fois laissé passer des pilotes, l’exemple le plus marquant restant le GP de Thaïlande en ouverture de la saison, quand il avait laissé la tête à son frère, Álex Márquez, pour quelques tours. Une fois la pression imposée assurée pendant la durée nécessaire, il avait repris l’avantage pour s’imposer.

C’est encore ce qui s’est produit en République tchèque : alors qu’il menait confortablement, le leader du championnat a vu sur les informations de son tableau de bord que sa pression était trop basse et s’est donc volontairement effacé devant Pedro Acosta… avant de reprendre facilement l’avantage dans l’avant-dernier tour.

Pedro Acosta, Red Bull KTM Factory Racing

Marc Márquez s’est aidé de Pedro Acosta pour faire remonter sa pression.

Photo de: Gold and Goose Photography / LAT Images / via Getty Images

Márquez avait ainsi effectué la distance nécessaire avec une pression conforme. “Ici, il fallait juste faire trois tours [30% de la course, qui comptait dix tours, ndlr] et quand j’ai vu 0 [sur le tableau de bord], j’ai attaqué Acosta”, a candidement détaillé l’Espagnol.

Pendant ce temps, Pecco Bagnaia recevait les mêmes alertes… à tort. Un problème électronique sur sa Ducati lui indiquait que la pression était trop basse, ce qui l’a poussé à laisser passer plusieurs pilotes, finalement pour rien puisqu’il était dans les clous. “Avant le départ déjà, tous les ingénieurs électroniques étaient autour de moi parce que j’avais un problème sur la moto, et ils essayaient de tout bien régler”, a expliqué Bagnaia. “Ils l’ont fait, mais quelque chose est peut-être passé à la trappe.”

Gigi Dall’Igna a admis auprès de Sky Sport MotoGP, en Italie, l’erreur commise sur la grille : “Nous avons un software qui vérifie beaucoup de choses sur la moto et l’une d’elles est la pression du pneu avant. Sur la grille, nous avons eu un problème d’initialisation de ces stratégies, nous avons donc dû faire certaines choses manuellement. Nous avons un système que nous appelons ‘anti-panique’, qui nous guide dans ce type de processus, et l’une des choses n’est malheureusement pas allée dans le bon sens, il a donc eu un signalement incorrect sur le dashboard.”

L’erreur de la direction de course

Une fois la course finie, la direction de course a annoncé des enquêtes pour pression trop basse, concernant Marc Márquez, Álex Rins et Ai Ogura. Le signe que Márquez n’avait pas fait le travail nécessaire ? Pas du tout ! Même pas informé de l’enquête, l’Espagnol restait confiant, au moment même où Bagnaia s’étonnait de ne pas faire partie des pilotes concernés. Et pour cause : aucun d’entre eux n’était en infraction.

Rapidement, la direction de course a annoncé que c’est un problème dans ses procédures qui avaient mené à ces enquêtes injustifiées, évoquant “un réglage de pression minimum incorrect dans le système d’alerte” utilisé. Ce n’est ainsi que la deuxième fois qu’une enquête pour pression trop basse est annoncée sans sanction dans la foulée, après le GP d’Indonésie 2024, où Acosta avait en fait subi une fuite d’air.

Un pneu Michelin

Un pneu Michelin

Photo de: Michelin

Mais comment le championnat a-t-il pu se tromper ? “La direction de course n’a pas mis à jour la pression minimale, qui varie d’un circuit à l’autre”, a détaillé Piero Taramasso, responsable de la compétition moto de Michelin, dans une interview accordée à l’édition italienne de Motorsport.com. “La valeur de base est de 1,8 bar. Le jeudi, nous mesurons la pression atmosphérique, qui est clairement différente si l’on roule à Misano, au niveau de la mer, ou au Red Bull Ring, dans les Alpes. Sur cette base, nous mettons à jour la valeur minimale et nous la transmettons à la direction de course.”

“Ce qu’il s’est passé, c’est qu’ils n’ont pas mis à jour la valeur dans le logiciel qui surveille les pressions en temps réel. C’est pour cette raison qu’une enquête a été lancée après la course sur ces pilotes, qui sont en fait restés dans les valeurs imposées et ont donc immédiatement été innocentés.”

Pas d’influence directe sur la course de Márquez

Pour Márquez, l’alerte affichée sur son tableau de bord était néanmoins bien réelle. Le MotoGP a précisé que l’erreur de la direction de course n’avait pas eu d’influence sur les informations communiquées en direct aux pilotes pendant le sprint.

“Le système de contrôle est distinct de tous les systèmes d’alerte utilisés par les équipes et n’est pas visible par les équipes ou les pilotes pendant une séance”, a indiqué le championnat. “Chaque équipe contrôle ses propres paramètres et les alertes envoyées sur les tableaux de bord des pilotes concernant les pressions de pneus minimales.”

Márquez devait donc bien faire le nécessaire pour repasser au dessus du seuil. “Marc était un peu juste et il a dû faire la manœuvre qu’il a faite [laisser passer Acosta] pour faire monter la température et ramener la pression au bon niveau”, a confirmé Taramasso. “Certains n’ont pas aimé cela sur le plan sportif, mais d’autres l’ont bien pris, en voyant cela comme un élément qui générait un peu plus de spectacle. C’est une question de point de vue.”

Piero Taramasso, Michelin

Piero Taramasso

Photo de: Michelin

Comme Márquez l’expliquait samedi, la situation a été compliquée par le manque de références à la disposition de tous les acteurs du championnat. Taramasso a décrit un week-end très atypique : “Disons que la situation était inhabituelle à Brno, parce que les équipes n’avaient pas de données puisqu’il n’y avait pas eu de course depuis cinq ans là-bas, qu’il y avait un asphalte refait, et la pluie du vendredi a certainement compliqué la situation. Ce n’était donc pas facile d’anticiper le niveau de pression.”

“Évidemment, dans une telle situation, on peut toujours décider de se laisser un peu plus de marge, de jouer la sécurité, mais je reste convaincu que si le vendredi s’était déroulé sur le sec, il n’y aurait pas eu ces problèmes.”

Propos recueillis par Matteo Nugnes

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Lire l'article complet - Auteur de l'article : Vincent Lalanne-Sicaud
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