Extrait de cet article : post publié sur Motorsport.com
Même les plus pragmatiques d’entre nous pourraient être tentés de croire que tout cela était peut-être écrit. Pour les 60 ans du circuit Bugatti, les organisateurs du GP de France ont explosé les compteurs et établi un nouveau record historique en réunissant plus de 120 000 spectateurs pour la journée de dimanche et en passant le seuil des 300 000 entrées sur l’ensemble du week-end.
Et c’est ce jour, celui aussi de son 150e Grand Prix dans la catégorie MotoGP, qu’a choisi Johann Zarco pour faire à nouveau retentir la Marseillaise au Mans. Treize ans après la dernière victoire tricolore sur ce Grand Prix, celle de Louis Rossi dans la catégorie Moto3, il s’inscrit dans la continuité de celui qui fut son pote d’entraînement dans leurs jeunes années.
Surtout, il est celui qui fait enfin tomber la référence qui hantait la moto française depuis bien trop longtemps : aucun pilote tricolore n’avait plus gagné le GP de France dans la catégorie reine depuis Pierre Monneret, en 1954. On ne va pas se mentir, cela faisait tellement longtemps que les statisticiens du MotoGP nous rappelaient, chaque année, que personne n’avait encore réussi à s’imposer successeur de Monneret, qu’on avait commencé à croire que ça n’arriverait jamais. Tous ont tenté, tous se sont cassé les dents.
Certains sont passés tout près de l’exploit. De Clermont-Ferrand au Paul-Ricard en passant par Nogaro, les Christian Bourgeois (2e en 1972), Frank Gross (2e en 1982) ou encore Dominique Sarron (3e en 1988), pour ne citer qu’eux, ont bel et bien porté haut les couleurs tricolores à domicile. Mais la victoire s’est toujours refusée à eux sur cette épreuve.
Et au Mans ? Ah, les tribunes du Bugatti en ont connu des espoirs ! Mais avec la catégorie reine, elles ont souvent été déçues. Elles n’ont pas oublié les émotions contrastées de 2007, lorsqu’elles avaient acclamé Sylvain Guintoli et Randy de Puniet en tête avant de voir les Français tomber. Elles ont encore en elles également le déchirement provoqué par la chute de Zarco en 2018, lorsqu’il n’avait pas pu aller plus loin que le huitième tour après être parti de la pole et avoir ferraillé contre Lorenzo et Márquez. En 2022, leur champion du monde Fabio Quartararo avait aussi fait vibrer les spectateurs amassés en Sarthe, mais pour finalement échouer à un petit dixième du podium.
VIDÉO – RÉSUMÉ : Les meilleurs moments de la victoire de Zarco au GP de France
À eux deux, Zarco et Quartararo ont multiplié les signaux positifs à domicile ces dernières années. Les gradins toujours plus bondés du Mans ont eu l’occasion d’applaudir leurs chouchous dans leurs plus belles perfs, et il y eut de joyeuses récompenses. Dès sa première année en MotoGP, en 2017, Zarco avait par exemple décroché la deuxième place en partant de la première ligne. Et que dire de leur double podium de 2021 ? Aussi exceptionnel que le silence qui régnait alors sur place face à des tribunes vidées par le Covid.
Alors, oui, il était bien temps que les planètes s’alignent enfin. Et dans le huitième tour de ce GP de France 2025 un peu fou, s’est élevée au Mans une clameur comme jamais on n’en avait entendu lorsque la foule a réalisé que, d’un début de course chaotique, l’homme qui émergeait en leader était “Jojo”. Stupeur, puis tremblements irrépressibles des tribunes…
Lorsqu’il a gagné pour la première fois en MotoGP, sur une lointaine île australienne, Johann Zarco était passé en tête à neuf virages de l’arrivée. Cette fois, il avait 19 tours à tenir, soit 34 interminables minutes. Autant de temps que la foule a passé à scruter son favori, oscillant entre joie et crainte de voir le rêve s’envoler pour quelque coup du sort qui se serait plu à encore une fois laisser intacte cette fameuse statistique datant de 71 ans.

Johann Zarco n’a plus quitté les commandes après le huitième tour.
Photo de : LCR Honda MotoGP Team
Mais rien ne pouvait arrêter Zarco dimanche. En funambule des conditions compliquées et en bon vétéran qu’il est à présent de ce peloton MotoGP, il a fait parler tout son talent. Et quelle émotion de voir sortir en vainqueur du dernier passage dans le Raccordement celui qui a déjà tant fait pour la moto en France, celui qu’on a connu minot timide, parfois angoissé, puis épanoui depuis plusieurs années et partageant avec passion et générosité son amour de la moto.
Alors la foule, qui s’était tant de fois entraînée à la chanter depuis jeudi, a entonné la plus belle Marseillaise qui soit. La plus puissante, la plus fervente, celle qui était contenue dans ces tribunes depuis tant d’années. Pierre Monneret n’est plus là pour voir ça, mais son frère Philippe doit sourire aujourd’hui de savoir que son successeur est surnommé par le public comme l’était leur père, l’indescriptible Georges Monneret dit “Jojo la Moto”, personnage haut en couleurs qui fut la référence de la moto française des années 1930 à 50.
Johann Zarco, si analytique, semble avoir bâti pierre par pierre depuis le début de sa carrière cette victoire qui l’attendait au Mans dans ce dimanche de folie. À 34 ans, il est mûr pour la savourer et ce public qui a appris à l’aimer lui a rendu au centuple tout ce qu’il a pu investir d’efforts pour en arriver là. Un public qui aura peut-être besoin des 71 prochaines années pour se remettre d’une telle joie.
Dans cet article
Léna Buffa
MotoGP
Johann Zarco
Team LCR
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