Extrait de cet article : post publié sur Motorsport.com
La saison 2025 devait être la première du MotoGP contrôlée par Liberty Media. Le groupe américain spécialisé dans les médias, en charge de l’aspect commercial de la Formule 1 depuis la saison 2017, a annoncé le 1er avril 2024 son intention de prendre également le contrôle des principales compétitions sur deux roues en devenant actionnaire majoritaire de Dorna Sports mais, près d’un an plus tard, la transaction n’est toujours pas bouclée.
Dans le détail, Liberty a conclu un accord pour prendre le contrôle de 86% des parts de Dorna Sports, promoteur du MotoGP mais aussi des catégories inférieures, du MotoE ou encore du WorldSBK. L’entreprise est ainsi valorisée à 4,2 milliards d’euros, la moitié de la somme déboursée par Liberty pour la F1.
Dorna Sports est pour le moment contrôlé à hauteur de 40% par la société d’investissement Bridgepoint, rejointe en 2012 par l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada (CPPIB), détenteur de 38% des parts, tandis que Carmelo Ezpeleta, patron de Dorna Sports, en possède 10%. Les 12% restants sont répartis entre plusieurs dirigeants de l’entreprise.
L’accord passé avec Liberty prévoit que Bridgepoint et le CPPIB céderont l’intégralité de leurs parts et que les dirigeants de la Dorna conserveront 14%, ce qui permettra à Ezpeleta de rester en place.
Le MotoGP suscitait des convoitises : des rumeurs ont évoqué un intérêt de Qatar Sports Investments (QSI), déjà détenteur du PSG, ou encore de TKO, qui possède l’UFC, mais Liberty a été choisi avec la volonté d’appliquer des méthodes qui ont donné un second souffle à la F1 : conquête d’un nouveau public, présence accrue sur les réseaux sociaux et arrivée sur de nouveaux marchés. Les pilotes y ont vu des signaux positifs pour l’avenir du MotoGP mais la Dorna a tenu à également rassurer les puristes en insistant sur le maintien des fondamentaux.
Liberty affichait son espoir de boucler la transaction avant la fin de l’année 2024, les autorités de marché devant donner leur aval sur plusieurs territoires. Et c’est ce processus qui traîne : si Liberty a réuni les fonds nécessaires puis demandé son feu vert à la Commission européenne au mois de novembre, cette dernière a décidé d’enquêter sur le processus de rachat, en craignant un rapprochement avec la F1.

Le MotoGP a organisé une grande cérémonie de présentation sans avoir encore l’appui de Liberty Media.
Photo de: Dorna
La Commission estime qu’actuellement, la F1 et le MotoGP sont en “concurrence étroite” sur le marché des droits télévisés et de streaming, et qu’une réunion sous un même actionnariat pourrait nuire à cet affrontement au détriment des diffuseurs.
“La transaction soulève de sérieuses inquiétudes quant à la concurrence, en réduisant potentiellement les marchés nationaux des droits de diffusion des sports mécaniques dans la zone économique européenne, où la Formule 1 est le leader clair du marché et le MotoGP souvent son seul concurrent”, a indiqué la Commission européenne.
Cette dernière souhaite également se pencher sur l’influence de John Malone, actionnaire principal de Liberty Media et Liberty Global, notamment sur les effets qu’un rachat pourrait avoir sur des marchés où le groupe est présent en tant que diffuseur, à savoir la Belgique, l’Irlande et les Pays-Bas. Les conclusions de cette enquête seront connues au plus tard le 14 mai 2025.
Il y 20 ans, le véto de la Commission européenne à CVC
Au printemps 2024, Liberty Media était conscient de ces craintes et tenait déjà à rassurer. “Nous n’allons pas traiter ces [championnats] comme un ensemble ou essayer de les associer sur le marché”, promettait Greg Maffei, alors PDG du groupe. “Ce sont des entités séparées, ce que nous proposons n’apporte pas d’effet levier pour les deux.”
Par le passé, un acteur a pourtant été empêché de contrôler à la fois la F1 et le MotoGP. En 2006, le fonds CVC Capital Partners, aujourd’hui surtout médiatisé pour le rôle qu’il joue dans la Ligue 1, avait annoncé son rachat des droits commerciaux de la F1 alors qu’il était déjà l’actionnaire de Dorna Sports… mais la Commission européenne lui avait demandé de renoncer aux droits du MotoGP pour valider la transaction. C’est ainsi que Bridgepoint était arrivé au capital.
Aux yeux de Liberty, les situations ne sont cependant pas comparables. “Ils avaient un délai assez court pour compléter l’accord d’achat avec la F1, donc ils n’avaient pas le temps de travailler sur les processus réglementaires”, expliquait Maffei au moment de l’annonce de l’accord avec Liberty. “Et ils étaient [une société de capital-investissement] qui avait obtenu un gain important avec un produit et qui s’apprêtait à en acquérir un autre avec un contrat à mettre en place.”
Sans ces contraintes, Liberty affichait donc sa confiance, en se disant prêt à patienter. Il reste à savoir si la Commission européenne autorisera le rachat, et sous quelles conditions. Si la transaction venait à être invalidée, Dorna Sports ne perdrait pas tout puisque l’entreprise américaine devrait lui verser 126 millions d’euros à titre de compensation.
En attendant la décision finale des institutions européennes, c’est donc sans l’appui que Liberty Media que le MotoGP va entrer dans une nouvelle ère ce week-end au GP de Thaïlande. Le championnat a radicalement transformé son identité visuelle avec un nouveau logo, un travail qui s’est donc fait avant la prise de contrôle par Liberty, tandis que la grille est chamboulée entre le départ du champion du monde Jorge Martín chez Aprilia mais son absence pour cause de blessure, la promotion de Marc Márquez chez Ducati, qui engage moins de motos, ou le retour de Yamaha satellites.
Dans cet article
Vincent Lalanne-Sicaud
MotoGP
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