Pourquoi KTM ferait bien d’envisager un avenir sans Pedro Acosta

Extrait de cet article : post publié sur Motorsport.com

Dans toute relation qui s’est détériorée, il peut arriver que l’on atteigne un point de non-retour où la rupture, si elle est bien gérée, est la solution la moins traumatisante pour les deux parties. Il faut alors faire son deuil, c’est-à-dire laisser le temps nécessaire à la blessure de cicatriser, un temps plus ou moins long selon les personnes. Une fois cela surmonté, il redevient possible d’envisager l’avenir avec clairvoyance.

On peut en cela parler de couples, mais aussi de toute relation professionnelle, comme par exemple la formidable histoire écrite par KTM et Pedro Acosta, qui semble vouée à prendre fin dans un an. Pas besoin, en effet, d’avoir un doctorat en psychologie pour percevoir que, si cela devait se produire, c’est la marque autrichienne qui regrettera le plus celui qui a été ces dernières années la pierre angulaire de son projet. Acosta est un pilote qui est né, a grandi et s’est imposé dans son vivier, mais qui après avoir tout essayé, n’aura pas trouvé la formule pour atteindre avec ce groupe son objectif de titre en MotoGP.

Le contrat d’Acosta avec KTM expire à la fin de la saison prochaine, comme celui des autres poids lourds de la catégorie. Dans cette optique, et sachant que le marché des pilotes devrait commencer à bouger très tôt, le constructeur ne cesse depuis déjà quelque temps d’envoyer des messages d’amour à sa star, mettant de côté son habituelle suffisance pour s’incliner devant lui.

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“Je pense qu’il nous reste encore un peu de temps, pas beaucoup, pour montrer à Pedro que nous sommes les partenaires qu’il lui faut”, a déclaré Pit Beirer, directeur de KTM Motorsports, tant au Portugal qu’à Valence, les deux derniers Grands Prix de la saison. Malheureusement pour l’ancien pilote de motocross, la principale source de frustration de l’Espagnol vient des performances de la RC16.

Les limites de la moto ne sont pas le seul aspect qui dissuade le champion du monde Moto2 et Moto3. Celles-ci vont de pair, en effet, avec l’incertitude qui entoure KTM en tant qu’entreprise. Nous parlons d’une organisation qui a vu ses actions perdre plus de cinq fois leur valeur en quatre ans (l’action valait 89,6€ le 1er décembre 2021, elle est aujourd’hui à 16,4€), qui a contracté une dette de plusieurs milliards d’euros, a été mise sous tutelle et a changé de mains.

KTM a beau avoir juré un amour éternel à Pedro Acosta, la réalité semble prendre une autre direction.

KTM a beau avoir juré un amour éternel à Pedro Acosta, la réalité semble prendre une autre direction.

Photo de: Gold and Goose Photography / LAT Images / via Getty Images

Bajaj Auto contrôle désormais l’ensemble de la société, après que la Commission européenne a récemment donné son feu vert à l’acquisition par le géant indien de 50,1% de Pierer Industrie AG, qui appartenait jusqu’à présent à Stefan Pierer, ancien PDG de KTM.

Cette manœuvre s’accompagnera d’une reconfiguration du conseil d’administration, qui réduira le nombre de ses membres et mettra à la porte les cadres proches de Pierer. Il s’agit donc d’un bouleversement majeur qui implique une redéfinition des objectifs, parmi lesquels le rôle que jouera la division MotoGP n’est pour le moment pas très clair.

Des performances qui servent de lettre de motivation à Acosta

Dans tout ce contexte, le discours d’Acosta a beaucoup changé au cours de cette saison, tout comme la manière dont il a vécu les choses. Son esprit rebelle du début de l’année a laissé la place à une déception telle que, selon lui, seul un départ dès 2026 aurait pu l’atténuer. Solution que KTM, comme on pouvait s’y attendre, n’a pas autorisée.

Alors, une fois qu’il s’est résigné à respecter l’accord en place, le pilote espagnol s’est concentré sur le fait de maximiser le potentiel du matériel dont il disposait. Une manière de prouver au monde entier, et notamment aux marques qui pourraient s’intéresser à lui, qu’à 21 ans, il n’a rien perdu de la magie perçue chez lui dès ses débuts et comparable à ce que des Marc Márquez et Valentino Rossi ont pu montrer au même âge.

Pedro Acosta, la plus grande menace pour Pecco Bagnaia ?

Pedro Acosta, la plus grande menace pour Pecco Bagnaia ?

Photo de: Gold and Goose Photography / LAT Images / via Getty Images

À partir du moment où il a opéré ce changement d’état d’esprit, les résultats de Pedro Acosta se sont stabilisés dans le haut du classement. Les cinq podiums qu’il a décrochés se sont ajoutés à quatre autres entrées dans le top 5, alors qu’il n’a enregistré que deux scores vierges. Il en a été récompensé par une belle remontée au championnat, lui permettant de terminer quatrième du classement général avec pratiquement le double de points de son coéquipier, Brad Binder.

Logiquement, ces bonnes performances sont devenues le principal argument de l’Espagnol pour se vendre. Ces chiffres, qui contrastent avec ceux de ses coéquipiers, n’ont pas échappé aux autres marques. Et même si Acosta n’a fait aucune déclaration explicite quant à ses intentions concernant le marché, Motorsport.com comprend que sa priorité est de passer sur une Ducati, de préférence la rouge de l’équipe officielle.

Pour que cela se produise, il va toutefois falloir que toute une série de facteurs se concrétisent dans les prochains mois. Le premier, c’est le renouvellement du contrat de Marc Márquez, dont Ducati a fait sa priorité au vu de la supériorité écrasante du Catalan.

Selon les informations recueillies par Motorsport.com, les premières réunions entre les représentants de Márquez et le constructeur italien pour commencer à tâter le terrain ont eu lieu il y a déjà plusieurs mois, avant même qu’il ne se blesse en Indonésie. Cette blessure a ensuite mis sur pause les discussions, lesquelles devraient reprendre prochainement, en parallèle de sa récupération.

Le duo de l'équipe d'usine Ducati pour 2027 ?

Le duo de l’équipe d’usine Ducati pour 2027 ?

Photo de: Qian Jun / MB Media via Getty Images

Si l’on part du principe que Ducati fera tout son possible pour conserver le champion en titre, et que lui-même fera ce qu’il faut pour rester chez les Rouges, alors la principale inconnue à lever concerne le montant du salaire qui lui reviendra. Ce chiffre déterminera ce qui pourra ensuite être proposé au deuxième pilote signé, quel qu’il soit.

Et ce pilote peut encore être Pecco Bagnaia. L’Italien conserve la possibilité de renverser une situation qui s’est considérablement compliquée pour lui en 2025. Compte tenu du rôle qu’il a joué dans l’histoire du constructeur, de son palmarès et, bien sûr, de sa nationalité, il n’y a pas de meilleur candidat que Bagnaia à ce poste, à condition que ses résultats le soutiennent.

En revanche, si le pilote italien ne réagit pas, Acosta apparaîtra en position dominante par rapport aux autres prétendants, même si miser sur lui signifierait passer outre la hiérarchie que Ducati a établie comme philosophie depuis qu’elle dispose de la meilleure moto du plateau. La preuve de l’attrait d’Acosta pour Ducati a été, cette année, la volonté affichée d’attendre aussi longtemps que nécessaire pour qu’il rejoigne VR46 en 2026 en remplacement de Franco Morbidelli.

Cette manœuvre qui n’a finalement pas abouti compte tenu de la compensation de plusieurs millions d’euros exigée par KTM pour le libérer. Mais force est de constater que les voyants sont au rouge pour le constructeur autrichien et qu’envisager que l’avenir s’appuie sur un autre leader serait plus prudent.

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Lire l'article complet - Auteur de l'article : Oriol Puigdemont
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