Retour sur le départ “sans précédent” d’Austin avec le directeur de course MotoGP

Extrait de cet article : post publié sur Motorsport.com

Maintenant que quelques jours ont passé, il est temps de prendre de la hauteur pour analyser ce qui s’est passé au moment du départ du Grand Prix des Amériques, le 30 mars à Austin. Les conditions météo changeantes ont alors entraîné une situation très agitée et confuse, ayant conduit à la suspension de la procédure et au report du départ, provoquant également la colère des concurrents qui se sont sentis lésés.

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Pour mieux comprendre ce qui s’est passé sur le moment, Motorsport.com a contacté la direction de course, l’organe chargé d’appliquer les protocoles et les règlements sportifs en MotoGP, celui qui a donc décidé des mesures d’urgence à prendre au Texas.

Ce dimanche, la pitlane s’est ouverte comme d’habitude à 25 minutes du départ du Grand Prix pour une fenêtre de cinq minutes durant laquelle les pilotes étaient libres de faire autant de tours qu’ils le souhaitaient – en passant par la pitlane – avant de s’installer sur la grille. Ce tour d’installation s’est révélé très délicat, la piste étant encore humide après la pluie des deux heures précédentes et à cause de la bruine qui continuait de tomber. Si délicat que Fabio Quartararo a chuté !

 

Une fois tout le monde installé sur la grille, le temps peut tout aussi bien paraître lent à s’écouler ou donner l’impression de filer à toute vitesse, selon les circonstances du jour. Et, à Austin, on était plutôt dans le deuxième cas de figure en raison de l’importance des décisions à prendre en peu de temps : la pluie s’est en effet arrêtée, la température a augmenté et la piste a commencé à sécher. Rapidement.

Il restait sept minutes avant le départ lorsque l’hymne américain a pris fin, et la plupart des pilotes ont alors compris qu’ils s’apprêtaient à se lancer dans la course avec une moto inadaptée, réglée pour les conditions humides et équipée de pneus pluie alors que le bitume était de plus en plus sec. Seuls Brad Binder (KTM Factory), Enea Bastianini (Tech3) et Ai Ogura (Trackhouse Racing), tous trois réunis sur la sixième ligne, avaient fait le pari d’opter pour des pneus slicks.

Les images vidéo captées par les équipes de la TV officielle montrent que Marc Márquez a alors non seulement cherché un moyen de changer de moto pour pouvoir prendre le départ avec sa Ducati réglée pour le sec, qui l’attendait devant son stand, mais qu’il a aussi réfléchi à la meilleure manière de réduire la marge de réaction de ses adversaires.

VIDÉO – Quand Marc Márquez sème volontairement la zizanie sur la grille

Alors qu’il était convaincu que le choix d’une moto pour piste humide était le mauvais, deux options s’offraient à lui : soit il partait de la pole en pneus slicks mais avec des réglages pour la pluie, soit il courait vers son stand pour passer tout de suite à sa deuxième moto. Il a opté pour la deuxième solution, sans réaliser que les conséquences prévues par le règlement (un ride-through) seraient pires que celles qu’il avait imaginées (partir dernier) car son équipe et lui ont confondu les règles.

Ce que dit le règlement

L’article 1.18.7 du règlement détaille en effet ce qu’il n’est plus possible de faire quand on entre dans les trois minutes précédant le départ, puis dans la dernière minute. Un départ du fond de la grille est alors prévu mais “à condition qu’aucun changement de pneus lié aux conditions météo ne soit fait”.

“Les pilotes MotoGP qui effectuent un changement de pneu lié aux conditions météo (de pneu pluie à slick ou vice versa, à l’avant, à l’arrière ou les deux) à ce moment-là, en comparaison des pneus qu’ils ont lorsqu’ils quittent la grille (si la même moto est utilisée pour prendre le départ de la course) ou en comparaison des pneus utilisés lors de leur dernière sortie pour le tour d’installation (si une moto différente est utilisée pour prendre le départ de la course), commenceront le tour de chauffe depuis la voie des stands, prendront leur position de qualification sur la grille et s’acquitteront d’une pénalité ride-through lorsque la direction de course le leur demandera (généralement dans les trois premiers tours de la course)”, ajoute le règlement.

Ce point a été précisément modifié à la suite du GP d’Argentine 2018, resté dans les mémoires pour la situation insensée observée au départ dans une grande confusion régnant alors quant au choix de pneus. Ce jour-là, Jack Miller s’était retrouvé seul à l’avant de la grille alors que les autres pilotes s’alignaient les uns après les autres tout au fond.

Jack Miller, Pramac Racing,, en la parrilla del GP de Argentina 2018, con el resto de pilotos al fondo

Le règlement a été adapté après les événements improbables du GP d’Argentine 2018.

Photo de : Pramac Racing

“Cela a été changé parce que ni l’organisation, ni l’infrastructure ne sont préparées à ce qu’un grand nombre de pilotes changent de moto juste avant le départ de la course et prennent place en fond de grille. C’est la raison pour laquelle il a été décidé d’établir que chacun partirait de sa position et que la pénalité interviendrait ensuite”, explique Mike Webb, directeur de course, à Motorsport.com.

Une situation dangereuse ayant conduit au drapeau rouge

On a clairement pu voir l’influence de Márquez sur le reste de la grille dans les instants qui ont immédiatement suivi son départ soudain vers les stands. Le pilote espagnol a été imité par un certain nombre de pilotes dont les garages étaient dispersés d’un bout à l’autre de la pitlane. Bref, c’était le chaos à moins d’une minute du départ du tour de chauffe, un scénario qui compromettait indéniablement la sécurité de toutes les personnes présentes.

Face à un tel désordre, la direction de course a sorti le drapeau rouge pour avorter la procédure de départ. Cette décision s’est faite au détriment d’Ogura, Bastianini et Binder, puisque le drapeau rouge entraîne la mise en place d’une course totalement nouvelle.

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Au bout de dix minutes, la procédure de départ rapide a été activée et, six minutes plus tard, les feux se sont finalement éteints pour laisser les pilotes s’élancer de la grille. Marc Márquez a alors pris les commandes du Grand Prix avant de chuter au neuvième tour, après quoi Pecco Bagnaia a fêté sa première victoire de la saison et Álex Márquez (deuxième à l’arrivée) pris la tête du championnat.

“Le drapeau rouge a été déployé pour une question de sécurité. Quand Marc a couru vers son stand, près de la moitié de la grille l’a suivi. Il est évident que dans ces conditions, avec beaucoup de mouvements de personnes et de motos sur la grille et dans la pitlane, il n’était pas sûr de donner le départ de la course. Nous ne pouvions même pas refermer les portes du muret à cause du nombre de personnes”, nous précise Mike Webb.

Mike Webb,director de carrera de MotoGP

Mike Webb, directeur de course MotoGP

Photo de : Gold and Goose / Motorsport Images

Dès lors, on peut se demander s’il n’aurait pas été plus juste, en particulier pour les trois pilotes les plus impactés (Ogura, Binder et Bastianini), d’utiliser le protocole de départ différé prévu par le règlement. Mike Webb souligne cependant que l’opération qui aurait été nécessaire pour réorganiser la grille par la suite aurait été irréalisable.

“Nous avons décidé de sortir le drapeau rouge et de relancer la procédure parce que nous avons pensé que c’était la chose la plus sûre et la plus efficace à faire. Si nous avions opté pour le ‘départ différé’, nous aurions dû, pour respecter le règlement, repositionner en fond de grille tous les pilotes ayant quitté la pitlane. Cela nous aurait menés à l’Argentine 2018, avec un scénario qui avait déjà démontré qu’il était invivable”, explique le responsable de la direction de course.

Et Mike Webb tire une conclusion très claire des événements qui se sont produits au Texas : “Ce qui s’est passé à Austin est sans précédent, mais cela va nous amener à revoir certaines parties du règlement. Surtout pour le simplifier et pour qu’il soit clair pour toutes les personnes concernées.”

Dans cet article

Oriol Puigdemont

MotoGP

Marc Márquez

Ducati Team

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