Extrait de cet article : post publié sur Motorsport.com
Sa personnalité largement appréciée fait que même les adversaires de Pecco Bagnaia éprouvent aujourd’hui de la compassion pour lui. Il ne s’agit plus seulement de ses collègues de la VR46 Riders Academy, mais aussi de rivaux directs tels que Marc Márquez, son propre coéquipier.
La 11e victoire de la saison remportée par l’Espagnol au GP de Saint-Marin lui permet d’être à deux doigts du titre, qu’il pourrait remporter dès la semaine prochaine, au Japon. S’il y parvient, Márquez aura réalisé l’un des retours les plus retentissants de l’histoire de ce sport, six ans après son dernier sacre et après avoir traversé quatre années de calvaires à la suite de sa blessure de 2020.
Mais la grande forme de Márquez ne fait que mettre un peu plus encore en lumière la période très difficile que traverse son voisin de stand. À Misano, chez lui, Bagnaia est reparti bredouille pour la seconde fois cette saison. Cela lui était déjà arrivé au Mans, mais ce score vierge n’en a été que plus douloureux le week-end dernier car il courait devant son public et que la météo ne peut, cette fois, absolument pas expliquer la claque qu’il a subie.
Ses fans sont taraudés par une question, qu’ils partagent avec l’ensemble du paddock, y compris les troupes Ducati : qu’arrive-t-il à Bagnaia ? “La réponse à cette question, il est le seul à l’avoir. Nous, nous voulons l’aider, mais c’est à lui de nous laisser faire. Il ne peut pas être le dernier des pilotes Ducati. Pecco vaut bien mieux que ça”, explique à Motorsport.com un membre des Rouges souhaitant rester anonyme.
“Le problème n’est plus que Marc le batte ; cela peut parfaitement arriver et on peut l’accepter, il ne manquerait plus que ça. Le problème, c’est qu’à l’heure actuelle, les autres sont plus réguliers que lui.”
Motorsport.com comprend que cette conclusion est celle à laquelle est parvenu le constructeur italien après avoir longuement réfléchi à ce qu’il était possible de faire sur la Desmosedici, sans trouver de raison valable à ce manque de confiance dont Bagnaia se plaint depuis le début de la saison. Dès le début, cependant, Ducati a choisi de protéger publiquement son pilote, acceptant ses plaintes et son incrédulité manifeste, même si cela pouvait compromettre l’image de l’équipe.
Un week-end cauchemardesque à domicile
Le Turinois a traversé différentes phases et il a déjà connu plusieurs moments très bas dernièrement, mais on peut dire qu’à Misano, il a touché le fond. Samedi, alors qu’il partait huitième, il a terminé 13e du sprint, ayant cumulé plus de 16 secondes de retard sur Marco Bezzecchi en 13 tours seulement.
“Je vis un cauchemar”, a-t-il admis alors, pestant de ne pas trouver la clé de ses problèmes. “Ça n’est pas possible d’être plus lent d’une seconde, une seconde et demie par rapport à toutes les autres séances du week-end. Il faut comprendre ce qui s’est passé.” Et Bagnaia d’admettre même au micro de la chaîne italienne Sky Sport MotoGP que “[sa] patience atteint ses limites”.

La troisième place de Pecco Bagnaia au championnat ne tient plus qu’à un fil.
Photo de : Gold and Goose Photography / LAT Images / via Getty Images
Jamais auparavant on n’avait entendu le double champion MotoGP se montrer si radical dans ses propos. Sa chute dimanche alors qu’il était huitième dans la course longue a un peu plus enfoncé le clou, à tel point que Ducati, toujours dans l’idée de le soutenir, lui a évité de se présenter devant la presse, mettant en avant une réunion technique prolongée jusque tard dans la soirée.
Son commentaire à destination des journalistes s’est limité à un court fichier audio extrait des deux questions auxquelles, par obligation contractuelle avec le promoteur, il a répondu à l’arrière du stand à destination du site officiel du MotoGP. Bagnaia est sorti du garage à 19h05, après une longue conversation avec Casey Stoner, qui lui aussi fait son possible pour lui apporter son aide.
Invité à réagir dimanche aux propos de son pilote, Gigi Dall’Igna a commenté auprès de la TV italienne : “Moi aussi je perds patience, ainsi que les supporters de Pecco. Je pense que c’est normal de dire ces choses quand les résultats ne viennent pas.”
L’ingénieur vénitien est celui qui est chargé de concevoir la moto avec laquelle Marc Márquez brille tant aujourd’hui et qui semble mener Pecco Bagnaia à l’agonie. Son dernier podium remonte au GP d’Allemagne, avant la pause estivale. Il y avait terminé troisième et, lors des cinq manches qui ont suivi, il n’a réussi à engranger que 40 points. Marc Márquez en a empoché quatre fois plus de points dans le même temps (178 points). Marco Bezzecchi et Pedro Acosta ont marqué plus du double de Bagnaia sur cette période (99 et 89 points) et Álex Márquez, 29 points de plus.
Si cette dégringolade ne s’arrête pas, non seulement Bagnaia risque de perdre la troisième place du championnat (Bezzecchi n’est plus qu’à huit points derrière lui), mais il pourrait même être rattrapé par Acosta (aujourd’hui cinquième à 49 points).
La moto ? “Le problème n’est pas là”
Publiquement, Ducati et le pilote au numéro 63 répètent que tous les efforts sont concentrés sur la recherche de l’origine de ces mauvaises sensations qui l’empêchent d’exploiter son potentiel et le privent de ces forces l’ayant conduit à bâtir le palmarès le plus riche des pilotes Ducati (deux titres, 30 victoires et 58 podiums).
D’après nos informations, cependant, le discours est différent dans le secret du box et des camions, visant à faire comprendre à Bagnaia que la solution à ses problèmes ne réside pas tant dans une éventuelle modification de la moto, de ses pièces ou de ses réglages, mais plutôt dans un changement de mentalité. C’est d’autant plus le cas qu’il semble invraisemblable qu’aucun des nombreux ingénieurs de Borgo Panigale n’ait été capable de trouver la cause de cette baisse de régime.
“Il ne s’agit pas de la GP24, de la GP25 ou de la GP26. Le problème n’est pas là”, répète-t-on chez Ducati, tout en encourageant le jeune homme de 28 ans à continuer à cumuler les tours de piste comme thérapie, étant donné qu’il a préféré, du moins pour l’instant, ne pas faire appel à un psychologue du sport.

Pecco Bagnaia n’a marqué aucun point à Misano.
Photo de : Gold and Goose Photography / LAT Images / via Getty Images
Ce lundi, Bagnaia et les autres pilotes étaient à nouveau en piste, l’Italien reprenant le guidon de la moto avec laquelle il était tombé dimanche – sa septième chute de la saison – et n’avait pas pu se hisser plus haut que le huitième emplacement de la grille samedi. Et, dans le cadre de cette journée de test, il a amélioré ses temps d’une seconde : il a terminé sixième, devant Márquez.
Stoner a passé la majeure partie de la journée à ses côtés, non seulement pour lui donner ses conseils mais aussi pour suggérer quelques modifications à apporter à sa moto. À cet égard, la relation que l’Australien entretient avec son ancien ingénieur Cristian Gabarrini, qui fait depuis plusieurs années équipe avec Bagnaia, favorise une communication fluide et très naturelle.
“C’est super d’avoir un autre point de vue, et Casey est toujours très analytique – parfois même un peu trop ! C’était en tout cas très important pour moi de l’avoir aujourd’hui”, expliquait le pilote turinois à l’issue du test. S’en remettre à un pilote aussi respecté que Stoner peut être une excellente idée, même si cela laisse également entrevoir qu’il a déjà épuisé tous les outils classiques.
“Si je pouvais, j’aurais tout le temps Casey”, a-t-il souligné. “Ça n’est évidemment pas possible, mais quand on peut profiter du point de vue d’un pilote comme Casey, c’est essentiel, et j’ai essayé de le faire par tous les moyens aujourd’hui.”
Alors qu’approche à grands pas ce qui promet d’être le marché des transferts le plus agité de ces dernières années, Ducati va bientôt commencer à évaluer quel est le meilleur duo pour son équipe officielle. La priorité est désormais de renouveler le contrat de Marc Márquez, tandis que la continuité à apporter à celui de Pecco Bagnaia dépendra de sa capacité à renverser la situation actuelle. Il doit le faire. Avec la GP25, la GP26 ou un scooter, peu importe, mais vite.
Dans cet article
Soyez le premier informé et souscrivez aux alertes mails pour recevoir les infos en temps réel
Lire l'article complet - Auteur de l'article : Oriol Puigdemont |